Un bébé sans couches-culottes ?

par Corinne Smith

(journaliste à L'Ecologiste)

Extrait de la revue l'Ecologiste n° 18 de Mars - Avril - Mai 2006 (pages 64 et 65)
Les couches-culottes, un sujet sans importance ? Qu'on en juge : chaque enfant de pays industrialisé utilise dans sa vie de 5000 à 6000 couches-culottes. En France, cela représente une consommation annuelle de trois millions de tonnes de couches ! (1) Est-il vraiment impossible d'éviter un tel gaspillage ?
Chaque année en France, environ 1,9 million de bébés portes des couches-culottes. Ce qui représente un très juteux chiffre d'affaire de 595 millions d'euros. (2) S'il existe des alternatives, on se doute qu'il ne faudra pas compter sur les multinationales comme Procter & Gamble (qui commercialise les couches Pampers) pour les proposer. Or les couches-culottes jetables cumulent plusieurs inconvénients qui ne se réduisent pas à la question du gaspillage.
Les dangers pour la santé

Certains doutes ont été élevés quant à leur toxicité. Les couches sont en contact avec la peau fragile du bébé pendant parfois plus de deux ans. Or un additif toxique entre dans leur composition : le TBT (trybutil étain). Il entre également dans la composition de certaines peintures, dans les enduits bois, dans certains désinfectants...

Le sujet des couches-culottes jetables et de leur toxicité a même fait l'objet d'une thèse de doctorat en environnement (3) qui fait le point et rassemble les études sur la question : "Des analyses réalisées par Greenpeace en mai 2000 (4) ont mis en évidence des traces de TBT dans certaines couches jetables. D'autres composés d'organo-étains comme l'étain dibutylique et l'étain de monobutyl ont été également trouvés. Même en très faible concentration, le TBT peut nuire au système immunitaire de l'homme et endommager son système hormonal". Les tests en question effectués par Greenpeace ont trouvé du TBT dans six marques de couches. Les couches jetables contiennent entre 4,2 mg et 8,6 mg de TBT / kg. D'autres composés d'organo-étains comme l'étain dibutylique et l'étain de de monobutyl ont été également trouvés. Un bébé portant cinq couches jetables par jour pourrait être en contact avec jusqu'à 3,6 fois la dose quotidienne tolérable estimée par l'Organisation Mondiale de la Santé.

L'organisation britannique WEN (Women's Environmental Network) a également réalisé des analyses et trouvé du TBT dans les couches.

Entre outre, les couches jetables contiennent des polyacrylates, utilisés pour leur effet absorbant. Les risques de migration de cette poudre sont accrus dans le cas ou la couche est déchirée et encore sèche.

L'empreinte écologique

Que dire de l'impact écologique ? Il faut plusieurs siècles pour qu'une couche jetable soit complètement biodégradée. De plus, pour fabriquer ces couches, il faut abattre des arbres et produire du plastique. Un seul enfant consomme annuellement 135 kg de bois, 23 kg de pétrole et 8 kg de chlore. (5)

L'association WEN a demandé une étude comparant les couches jetables et les couches réutilisables et lavables. D'après les résultats obtenus : les couches jetables, par rapport aux couches lavables consomment 3,5 fois plus d'énergie, 2,3 fois plus d'eau, 8,3 fois plus de matières non renouvelables, 90 fois plus de matières premières renouvelables et génèrent 60 fois plus de déchets solides. (6)

Selon le cabinet d'études Best Foot Forward, l'empreinte que laisse un enfant à cause des couches est estimée entre 4440 et 8000 m2 s'il a consommé des couches jetables, 1800 et 2300 m2 s'il a utilisé des couches lavables lavées à domicile. (7)

On peut pour toutes ces raisons choisir les couches lavables. Reste encore la question du budget. Côté coût pour le porte-monnaie, le prix moyen d'une couche jetable est de 0,25 €. On peut donc estimer le coût total des couches jetables à environ 1200 € par enfant, selon la marque choisie.

Une couche lavable coûte entre 10 € et 22 € (selon le textile, les couleurs, la qualité). Les plus basiques (sans élastiques, mais bien adaptées aux nouveaux nés qui bougent peu) 5€ ou 6€. Le coût est encore plus intéressant si l'on confectionne les couches soi-même.

Les couches lavables sont ainsi plus économiques ; selon la qualité des couches choisies et le nombre d'enfants qui les utilisent, les économies seront plus ou moins importantes. Il faut un minimum de 15 à 25 couches pour assurer un lavage tous les 3 à 4 jours, soit un budget de 270 € à 450 €. Le coût de l'entretien des couches (lessive, eau, énergie) est compris entre 200 € et 400 €.

Couches lavables : pratiques ?
Si l'on peut dire que le choix de couches lavables est économique, est-il pratique ? Ses promoteurs assurent qu'elles n'ont rien à voir avec les couches "archaïques" d'avant-guerre. Elles sont "préformées" et adaptables facilement à la taille de l'enfant. Elles nécessitent toutefois quelques efforts de manipulation.

La couche dite lavable est une partie absorbante que l'on insère dans une culotte de protection imperméable assurant l'étanchéité. Il faut lui associer une feuille de papier biodégradable qui sert à retenir les selles et que l'on jettera après usage.

Les culottes de protection classiques sont composées de nylon ou de polyester, enduites le plus souvent avec du polyuréthane. On en trouve toutefois en coton ou en laine chez certains fabricants. Il en existe garnies de laine polaire ou suédine qui laissent passer l'humidité vers la partie absorbante, mais ce sont des tissus de synthèse... Il est possible de s'en passer en utilisant des culottes de protection en laine vierge qui contient un imperméabilisant naturel, la lanoline, sécrétée par la peau des moutons.

Si vous ne souhaitez pas franchir le pas de façon définitive mais faire un essai, il est possible de louer des couches-culottes en "kits" avec caution.

Adresses :

- Bébé au naturel, 146 rue Abbé Philippe Le Gall, 56400 Auray. Téléphone : 0 820 825 487 ou 02 97 29 02 49. Site : www.bebe-au-naturel.com

- Allôcouches, (boutique, service de location de couches lavables en kit et vente par corresponsdance) 6 rue l'Ecu, 51100 Reims. Téléphone : 03 26 04 45 13. Site : www.allocouches.com

- Laudamay, 12 rue d'Ecancourt, 78510 Triel sur Seine. Téléphone : 01 39 70 83 59. Site : www.laudamay.com

- Association ACTESanté, 10 bis rue du coton, 53000 Laval. Téléphone : 02 43 53 03 67. Site : www.actesante.asso.fr

La vie sans couches ?

Certains proposent même de traiter le problème à la source par la réduction de la durée d'utilisation des couches en apprenant à l'enfant à être propre plus tôt. Inutile d'insister sur les avantages que cela représente pour tout le monde !

Selon Ingrid Bauer, auteur allemande d'un livre à paraître en traduction (8), c'est une erreur de croire que les bébés ne sont pas conscients de leurs besoins naturels et qu'ils ne peuvent ni les maîtriser ni les exprimer. L'utilisation de couches-culottes de plus en plus absorbantes a comme effet pervers d'inciter les parents à accorder peu d'importance aux signes exprimant une envie pressante. Aux premiers signes, que l'on apprend plus ou moins rapidement à reconnaître (c'est l'auteur qui le dit !), les parents mettent l'enfant sur le pot. Dans les sociétés traditionnelles, les mères commencent cela dès la naissance ! Pour commencer, il est possible d'utiliser des couches sans protection imperméable pour que l'humidité soit visible afin d'agir au plus vite.

L'idée est de rendre l'enfant propre plus tôt et communiquer avec lui sur le problème plutôt que le laisser dans l'inconfort d'une couche humide (lavable ou jetable) et ne pas lui accorder d'attention. Mais cela requiert une présence parentale et c'est chose plus facile à faire chez soi qu'en voyage ou à la crèche, il faut bien le reconnaître. A vous de jouer !

 

(1) Cf. Anne-Sophie Ourth, "Les couches lavables constituent une alternative moderne, écologique et économique aux couches jetables", Thèse annexe présentée en vue de l'obtention du grade de docteur en environnement, Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux, 2003.

(2) Chiffres du cabinet d'études Xerfi 2005.

(3) Anne-Sophie Ourth, op. cit.

(4) http://archive.greenpeace.org/pressreleases/toxics/2000may152.html

(5) Lehrburger, Mullen, James, Diapers : Environmental Impact and Lifecycle Analysis, National Association of Diaper Services, Philadelphia janvier 1991. Cité par Real Diaper Association.

(6) Landbank Consultancy, "A review of Procter & Gamble's Environmental Balances for Disposable and Re-usable Nappies", juillet 1991.

(7) Nicky Chambers, Craig Simons, Mathis Wackernagel, Sharing Nature's Interest : Using Ecological Footprints As an Indicator of Sustainability, Earthscan Publications, 2001, P. 155-156.

(8) Ingrid Bauer, Sans couches, c'est la liberté ! Ed. L'Instant présent, à paraître, avril 2006. Adresse de l'éditeur : Quartier de Ginouviers, 83250 La Londe les Maures.

 

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