Extrait de la revue EKWO n° 9
Textes de Monica Fossati

 

COCKTAIL INFORMATIQUE
Clickclickclick-enter-control-pomme-click... Aujourd'hui en France, 11 millions d'ordinateurs peuplent nos bureaux et remplissent nos emplois du temps. 1 foyer sur 3 est connecté à Internet. Outil incontournable aux capacités apparement sans limites, on ne peut plus travailler, communiquer, apprendre, jouer, sans lui. La quête effrénée du modèle plus puissant, plus compétitif et compatible, et les stratégies commerciales des fabricants portent actuellement à 3 ans la durée d'utilisation moyenne d'un ordinateur de bureau.

 

140 millions d'ordinateurs ont été vendus dans le monde en 2003 (estimation)

 

D'un côté, la dématérialisation de l'informatique traduite par la taille toujours plus réduite des composants, - le plus petit ordinateur du monde a un écran de 10 pouces et pèse 800g. De l'autre, un monde virtuel qui vit au travers des échanges informatiques.

Au final : un tas monumental de déchets extrêmement polluants, complexes, dangereux, en pleine explosion.

 

La simple puissance d'une carte de vœux jouant Happy Birthday

est supérieure à l'ensemble de la puissance informatique

qui existait sur Terre dans les années 50.

 

Quand on ouvre une unité centrale, elle paraît plutôt vide. Une carte mère, un disque dur, des câbles, quelques autres cartes (graphique, son, éthernet... ). Puis l'écran, le clavier, la souris. Ajoutons tous les périphériques : imprimante, scanner, webcam, palette graphique... et le cocktail final est explosif, un ramassis de composants très nocifs pour l'environnement et pour la santé. Et plus ils sont petits, plus la dangerosité est accrue et concentrée.

 

L'ordinateur : quelques ingrédients
Le verre de l'écran renferme en moyenne 20 % de plomb au poids, et les moniteurs à tube cathodique en contiennent de 2 à 4kg. On en trouve également en points de soudure sur les cartes des circuits imprimés et dans d'autres composants. Le plomb cause des dommages aux systèmes nerveux, sanguins, urinaire, génital et endocrinien, et est néfaste au développement cérébral des enfants. Il s'ccumule dans l'environnement avec des effets chroniques sur les plantes, les animaux et les micro-organismes.
On estime que le quart de la consommation mondiale de mercure est utilisé pour l'équipement électrique et électronique. Présent dans les thermostats, interrupteurs, relais, sondes, des équipements médicaux, téléphones mobiles, il est également dans les écrans plats, qui remplacent peu à peu les tubes cathodiques. Il s'attaque à divers organismes vivants. Dispersé dans les rivières, il se mélange aux sédiments et se concentre dans la chaîne alimentaire via les poissons.
Le cadnium, même en quantité infimes dans la pile, les puces, les semi-conducteurs. Utilisé pour stabiliser le plastique, ses effets toxiques risquent d'être irréversibles. En effet, il s'accumule dans le métabolisme, en particulier dans les reins.
Le verre des tubes cathodiques peut être recyclé, en "boucle fermée", pour la fabrication de nouveaux tubes. En pratique, on réutilise le verre des tubes principalement pour fabriquer des TV, les tubes cathodiques pour moniteurs étant de moins en moins usités. Cela nécessite le tri rigoureux des verres (deux types dans les tubes : l'un contient du baryum, l'autre du plomb) et un approvisionnement très fiable pour respecter les cahiers des charges des verriers.
Les matériaux les plus facilement recyclables sont les métaux? Acier, platine, et surtour or, qui font de ces déchets une vraie mine autour de laquelle une économie de secteur se développe.
L'ordinateur contient 1,5kg de cuivre, y compris les câbles ; son recyclage est facile (il est 100 % recyclable), rentable (économie d'énergie par rapport à la production primaire de cuivre neuf) et la filière installée. Il prend peu à peu la place de l'aluminium, qui auparavant était le seul métal compatible avec le silicium pour les liaisons entre transistors. Depuis 1997, le cuivre peut être utilisé dans ces connections, augmentant les performances des microprocesseurs grâce à sa conductivité électrique supérieure, et permettant ainsi de réduire encore les équipements informatiques.
Le baryum est un métal blanc argenté, utilisé sur les écrans de moniteurs à tube cathodique, afin de protéger l'utilisateur des radiations. Des études ont montré qu'une exposition de courte durée au baryum faisait gonfler le cerveau, faiblir les muscles, atteignait le cœur, le foie, la rate. Les tests sur les animaux ont quant à eux fait monter la tension artérielle et opéré des changements sur leur cœur après une ingestion de longue durée.
Une moyenne de 7kg de plastique, incluant les PVC (polychlorue de vinyle) choisi pour ses propriétés de retard de flamme qui dégage des dioxines lorsqu'il est brûlé principalement au niveau pulmonaire.
Le béryllium est un métal gris extrêmement léger et dur, très bon conducteur d'électricité et de chaleur, non magnétique. De telles propriétés sont appréciées dans le milieu industriel. Associé au cuivre, il augmente sa conductivité électrique sur les cartes mères. Le béryllium a été reconnu comme cancérigène. Son inhalation, même en petites quantités, en poussière ou en fumée, attaque les poumons des travailleurs qui développent la "bérylliose". Son contact peut provoquer également des maladies de la peau et des yeux ; il affaiblit les capacités de cicatrisation et fait apparaître des lésions, des vésicules. Il peut atteindre le foie, les reins, le cœur, le système nerveux et lymphatique.

 

Plus de 20 millions de PC sont devenus obsolètes en 1998,

et seulement 13 % ont été réutilisés ou recyclés.

Le recyclage de tous les composants, suivant le système de collecte et de traitement mis en place, peut s'avérer coûteux, et représenter un bénéfice limité sur le plan environnemental (transport et démantèlement des différentes matières, fonte, refaçonnage etc...). Le rapport "Ordinateurs et environnement" publié par l'Université des Nations Unies confirme qu'envisager une deuxième vie aux ordinateurs actuels au lieu de les démanteler économiserait de 5 à 20 fois plus d'énergie. Il suffirait de récupérer lors du renouvellement du parc informatique des sociétés ou administrations, les PC en état pour la maison, l'école ou les associations. Enfin, de nombreuses ONG dans les pays du nord comme du sud, travaillent sur la diminution de la fracture numérique et récupèrent les vieux ordinateurs pour les retaper et les envoyer en Afrique notamment. Mais le système a ses limites dans les pays en voie de développement, car sous le couvert de 'dons', il s'agit plutôt de se débarrasser de ses déchets.

Ainsi, les Etats-Unis refusant toujours de signer la convention de Bâle (1), exportent légalement 50 à 80 % de leurs déchets électroniques mélangés. Collectés initialement pour un recyclage domestique, ils sont envoyés vers l'Inde, le Pakistan ou la Chine, encouragés par un coût bas (10 fois moins cher que localement), l'absence de standards environnementaux et le manque de surveillance en Asie. Charge aux bénéficiaires de faire le tri, réparer, revaloriser les appareils comme les composants, les matériaux et ce, avec les moyens du bord. C'est-à-dire dans des conditions humainement et environnementalement désastreuses.

Pour quelques grammes d'or
La Chine s'arme de plus en plus pour se protéger de ces importations désormais interdites, mais ce n'est que repousser le problème. Ses voisins moins réactifs et surtout moins informés sont plus accueillants encore devant cette manne économique. Le résultat y est pire encore. A Karachi (Pakistan), des conteneurs entiers de déchets électroniques, en majorité des ordinateurs, arrivent en vrac depuis les 4 coins du monde : USA, Japon, Australie, Singapour, et via Dubai (Emirats arabes)... Débarqués puis vendus aux enchères sur le port, une minorité d'ordinateurs sont réparés et revendus dans les boutiques d'occasion. Puis tous les résidus vendables sont classés, entassés, formant un souk à l'air libre à Shersha, avant d'être acheminés vers d'autres villes. Là encore, tout est trié et traité sans aucune précaution ni protection. Les récupérateurs extraient tout ce qui est recyclable - vendable : le cuivre vaut 120 roupies le kg (1,70 euros), le plastique 2 roupies (3 cents d'euros). Dans leur cuisine, les hommes en chauffant les casseroles de mélanges d'acide nitrique et hydrochlorique sur la gazinière, chauffent les cartes au chalumeau sans ventilation, baignant dans les émanations cancérigènes, pour récupérer jusqu'à 1000 roupies (14 euros) des précieuses paillettes d'or.
Poubelles électroniques
Ainsi à Guyu (Chine), les petits villages tranquilles ont vu pousser à la place des rizières un énorme centre de recyclage de produits électroniques. Après avoir pris l'essentiel revendable, les récupérateurs disséminent dans la nature, enterrent ou brûlent le reste à l'air libre, ce qui émet des gaz nocifs, et empoissonne les nappes d'eau sur des kilomètres alentours. L'eau pour la consommation doit être désormais acheminée par camion depuis Ninjing, à 30km. Quant aux canaux d'irrigations, vestiges de l'agriculture passée, ils servent de décharge pour le verre des écrans - chargés de plomb qui se disperse dans la terre et empoisonne la chaîne alimentaire. On estime à plus de 100000 le nombre de personnes qui y travaillent, venant également des provinces avoisinantes, principalement des femmes et des enfants. Tous soumis à une intoxication permanente via l'air, l'eau, la nourriture, les émanations des feux des déchets, sans aucune précaution ni méthode de travail adaptée. Par exemple, ce sont souvent des enfants qui brûlent au briquet et sniffent les plastiques des écrans d'ordinateurs pour les identifier, ou nettoient les toners d'imprimantes sans protection, à même la terre. Maux de tête permanents, odeurs nauséabondes sont leur lot quotidien, sans conscience des méfaits plus profonds.

 

Ce qu'on oublie plus fréquemment encore, c'est tout ce qu'il a fallu comme dépenses d'eau, d'énergie 'grise', de matières premières pour la fabrication d'un ordinateur.

Ainsi, une simple puce de 32 mégabytes aura requis au moins 72g de produits chimiques, 700g de gaz élémentaires, 32 litres d'eau, 1,2 litre de pétrole, sans compter l'équivalent de 400 cl de pétrole pour son usage. Résultat : le poinds total des matières nécessaires à la fabrication de cette puce de 2g est 630 fois plus grand. Ainsi, l'énergie fossile nécessaire à la fabrication d'un ordinateur de bureau est de 240 kg, soit dix fois le poids de l'ordinateur même. A titre de comparaison; les ressources nécessaires à la fabrication d'une voiture représentent 2 fois le poids du produit fini.

 

Toxique vallée
Outre la dépense énergétique, il faut une quantité substantielle de produits chimiques pour fabriquer un ordinateur (environ 20 kg), et une quantité d'eau variable (milliers de litres). La manipulation de produits hautement toxiques pour la fabrication des composants a engendré des pollutions quasiment irréversibles, notamment en Californie, berceau de l'industrie des semi-conducteurs. Les ouvriers sont les premiers exposés aux effets néfastes que l'on ne cesse de découvrir et d'étudier (cancer principalement). Depuis plus de 20 ans, des taux anormalement élevés de fausses couches et de malformations chez les nouveaux-nés ont été constatés. Mais l'environnement est également atteint, en particulier les points d'eau et nappes phréatiques, contaminés pour longtemps. Des associations ont vu le jour pour défendre les intérêts des victimes et enrayer le processus. Depuis 1992, la SVTC (Silicon Valley Toxic Coalition) est active sur le terrain, transparente et sans compromis. Elle est redoutée par les industriels de la communication réunis sous l'EICTA (Association européenne des technologies de l'information et de la communication, regroupant 48 multinationales de l'informatique et de la communication, et 32 associations nationales sur 24 pays), pour les éclairages et informations qu'elle transmet sur les enjeux et impacts de l'électronique. Mais outre la Silicon Valley, de nombreux autres pays asiatiques (Corée, Japon, Chine, Taiwan...) sont concernés par les impacts liés à la fabrication des ordinateurs.

 

Eco-conception en route ?

Tous ces problèmes doivent être anticipés dès la fabrication de l'ordinateur. Les matériaux reconnus comme dangereux à la fabrication, l'usage ou l'élimination de l'ordinateur, sont éliminés au fur et à mesure qu'ils sont identifiés et interdits. des démarches d'éco-conception sont en route, et doivent s'accélérer face au rythme de la consommation. Par exemple, il y a quelques années, plus de 100 plastiques différents étaient utilisés, au gré des offres des fournisseurs. Aujourd'hui, des efforts sont accomplis par des fabricants pour réduire à moins de 10 ce nombre, afin de les identifier plus facilement pour leur recyclage. La fameuse Energy Star, permettant aux consommateurs de repérer facilement les produits à rendement énergétique optimal offerts sur le marché est bien étendue. Mais la mise en veille ne doit pas être permanente, et ne représente qu'une maigre économie - souvent, mieux vaut éteindre l'ordinateur. Des progrès restent à faire, notamment du côté de l'utilisation de certaines matières, de la conception de pièces facilement démontables, une identification claire des matériaux utilisés etc...

Mais comme toujours, c'est le consommateur qui influe véritablement sur les méthodes. En réfléchissant bien avant l'achat aux alternatives, et surtout à l'usage même et la puissance requise de l'ordinateur. L'ancien peut-il être upgradé ? Où trouver une occasion dans l'entourage, chez les revendeurs ? Et quitte à acheter un neuf, choisir le modèle le plus adapté, vérifier les possibilités de le booster. Et s'en débarrasser, en cédant son ancien s'il est en état de marche ou réparable, en demandant au revendeur de le reprendre. En s'exprimant aussi auprès des fabricants pour faire évoluer leurs recherches dans ce sens plus fortement.

 

Quelques petits conseils
1) Que faire de son vieil ordinateur ?

Si vieux que ça ? Etes-vous vraiment sûr de devoir le changer ?

  • Il marche encore ou semble réparable : le proposer autour de soi, dans son entourage : voisinage, école, association...
  • Dans le cadre de l'achat d'un neuf, demander au magasin ou au fabricant de reprendre l'ancien.
  • Le proposer au réparateur du coin qui peut le réparer ou récupérer des pièces.
  • En l'apportant dans un lieu de collecte, mettre une étiquette précisant "en état de marche" : cela ôtera l'hésitation d'un possible repreneur.
2) Vente d'ordinateurs d'occasion garantis :
L'ordinateur à l'échelle humaine : créée il y a 8 ans, Ecomicro développe un réseau national (y compris la Réunion), maillon d'une filière où l'ordinateur et toutes ses pièces sont minutieusement triés, classés suivant leur état, et confiés à des perstataires choisis en fonction de compétences précises. Recyclage (valorisation des matières et neutralisation des toxiques) pour les appareils HS ou trop obsolètes, et réemploi des appareils et composants présentant encore un intérêt d'utilisation. L'atelier accueille des personnes en situation d'exclusion. Ordinateurs er composants sont aussi revendus ou donnés au pays en voie de développement pour réduire la facture numérique. Remarqué au Sommet Mondial de la Société de l'Information (Genève 2003, Tunis 2005), Emicro a été crédité par l'ONU pour dupliquer son action au niveau mondial.
Bordeaux : 05 56 86 50 36 ; Toulouse : 05 34 63 11 11 ; Floirac : 05 56 86 66 66
Site internet : www.emicro.fr

Quelques anciens d'IBM ont monté Actif France, qui récupère les parcs informatiques d'entreprises, rénove les ordinateurs et les revend. La remise en état est assurée dans des ateliers de réinsertion, vrais espaces de formation où se retrouvent des chômeurs de longue durée ou des anciens rmistes pour apprendre le hardware.

Les établissements collectifs, écoles, associations, et les particuliers peuvent y acheter un ordinateur (portable ou PC) d'occasion garanti 1 an, muni de son système d'exploitation, d'un anti-virus et des logiciels de bureautique de base, sur commande.

Paris : 01 49 05 52 50, www.actif-france.asso.fr
Nantes, Actif Ouest : 02 51 72 33 01, www.actifouest.org

Bordeaux : 05 57 26 01 05

Dans la même lignée, Micro'orange allie collecte et rénovation - ou recyclage - d'appareils par du personnel en formation encadré de professionnels. La boutique se trouve à Marseille.

Marseille : 04 91 90 00 90, www.microrange.com
A Paris, MDS Informatique a établi un service de proximité dans son quartier (gare de l'est) : outre le service après-vente irréprochable des ordinateurs vendus neufs, Momo remet en état et upgrade votre vieil ordinateur, en conservant le maximum de pièces pour garder l'appareil plus longtemps, et ce pour un tarif inférieur à l'achat du neuf. Il répare également les anciens ordinateurs qu'il récupère des grandes entreprises dont il entretient le parc informatique, les dispatche auprès des associations de quartier ou aux clients du voisinage.
MDS Informatique, 117 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75010 Paris : 01 46 07 94 37, 06 62 13 52 92 Courriel : mdsinformatique@wanadoo.fr
Enfin, pour les entreprises, des sociétés comme ATF se spécialisent dans le rachat des parcs informatiques de grands comptes, revendent les matériels et pièces détachées aux professionnels de l'informatique et gèrent le recyclage des résidus matières.
ATF : www.atf.fr

 

(1) 1989 : convention internationale de Bâle. Elle interdit l'exportation des déchets dangereux des pays de l'OCDE vers les pays en développement, s'ils ne sont pas équipés pour le faire dans des conditions décentes. Entrée en vigueur en Europe en 1994, les Etats-Unis ne l'ont toujours pas ratifiée, et acheminent leurs vieux ordinateurs en Asie.
1992 : la loi 92-646 du 13 juillet impose de traiter tous les déchets, afin que seuls les déchets "ultimes" finissent en décharge à partir de 2002. 7 % des matériaux d'un PC sont concernés, donc 93 % doivent être recyclés.
2005 : directive européenne sur les DEEE (Déchets d'Equipements Electriques et Electroniques). Cette directive impose notamment la collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques, le traitement systématique des composants dangereux, la valorisation de tous les DEEE collectés avec une priorité donnée à la valorisation allant de 60 à 80 % sont imposés aux état membres. Le financement et la mise en place des filières relèvent des producteurs d'équipements, ou "metteurs sur le marché".

 

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